Monnier triomphe à Berlin

Difficile de distinguer, samedi et dimanche soir, devant la foule qui se pressait aux portes de la grande halle de l’Arena (une jauge de 2700 spectateurs par soirée), ce qui suscitait le plus l’enthousiasme : le prestige de Sir Simon Rattle à la tête du Philharmonique de Berlin, l’interprétation de l’opéra de 94, Surrogate Cities, du compositeur allemand Heiner Goebbels (60 musiciens pour l’occasion), ou la création chorégraphique de Mathilde Monnier pour 130 amateurs tous berlinois.
Le programme était proposé par le Philharmonique dans le cadre d’un projet pédagogique pour démocratiser l’accès à la musique, au prix de 8€. Situé dans le quartier de Treptow, sur les bords de la Spree, l’Arena est un des espaces multifonctions (concerts de rock, de salsa, théâtre, etc…), autrefois industriels, où tout est à inventer chaque fois.
Mais la scénographie signée par Mathilde Monnier et Annie Tolleter, avec l’équipe du Centre chorégraphique national de Montpellier, est exaltante. Le public est disposé sur des gradins autour d’une scène épousant la forme d’un œil, dont l’orchestre occupe l’iris. La magie opère dès les premières mesures, sous les lumières scintillantes d’Eric Wurtz. L’opéra est magnifique, ménageant les effets dramatiques et romantiques avec des moments confidentiels et lyriques. Les voix de la soprano Jocelyn B. Smith, aux intonations jazz, et de David Moss, aux accents graves et rocailleux, emportent l’adhésion.
Sur ce canevas de rêve, les interprètes – écoliers, jeunes danseurs de la sanga dance company, membres d’une académie de kung-fu et du Temple Shaolin, amateurs de danse de salon-, instruisent une belle humanité de trois générations ensemble.  L’émotion allie naïveté et spontanéité des plus jeunes, à l’élan concentré et dynamique des adolescents, avec la générosité inquiète des plus âgés. Il y a là matière à des moments de grâce – états de liberté vécue sans hiérarchie préétablie.
C’est la représentation d’une ville dans la ville, avec sa mémoire, ses illusions et son goût du futur, en complet accord avec la partition de Goebbels. Fait rare : avant de déchaîner un triomphe, chacun a été ému jusqu’aux larmes. Ce spectacle ouvrira l’édition 2009 du festival Montpellier Danse.

Lise OTT
midi libre
06/02/08