Mathilde Monnier : « La danse n’est pas un art élitiste »

La chorégraphe montpelliéraine est l’invitée du prestigieux Philharmonique de Berlin pour mettre en scène un opéra.

Comment avez-vous été choisie pour mettre en scène « Surrogate Cities » ?
Le compositeur Heiner Goebbels qui avait écrit la musique d’une de mes chorégraphies, Les lieux de là, en 1998, m’a proposé Surrogate Cities, un oratorio créé en 1996 mais qui n’avait jamais été mis en scène. Je vais donc le faire dans le cadre d’un important projet pédagogique initié par Simon Rattle, le chef du Philharmonique de Berlin. C’est la quatrième édition de ce programme qui est devenu un événement majeur de la saison et mobilise toute la ville de Berlin.

Le projet associe des acteurs professionnels et des amateurs. Pourquoi ?
Son approche est sociale. L’idée de mêler des professionnels (les chanteurs et les musiciens situés au centre du plateau) avec d’autres milieux : les gymnastes d’une école de kung fu, une quarantaine de personnes âgées, des adolescents issus de l’immigration (turcs, africains…). Mon travail consiste à coordonner ces 130 acteurs.

Vous les faites danser ?
Tous ont déjà une expérience du mouvement (les personnes âgées pratiquent les danses de salon) et s’intègrent dans des mouvements d’ensemble. Nous utilisons aussi le dessin et l’occupation de l’espace par les corps. L’appropriation de la ville est le thème principal de la pièce. J’y travaille depuis un an. Contrairement à un spectacle de danse, tout doit être prévu en amont. C’est la première fois que je conçois au détail près toute l’architecture d’un spectacle sans attendre les répétitions.

C’est impressionnant de travailler avec un des meilleurs orchestres du monde ?
Oui, mais en même temps je suis en confiance, car je connais bien le compositeur. Et, avec le chef, le contact passe bien.

Cette expérience aura-t-elle des suites ? La mise en scène d’un opéra classique ?
Ce travail m’en donne l’envie, la curiosité et l’excitation. Quand on commence à mettre le pied dans ce monde, c’est la boîte de Pandore qui s’ouvre. Elle m’attire.

Allez-vous demander à René Koering de vous inviter ?
Ce n’est pas à moi de le faire. Mais pourquoi pas ?

Le programme de Berlin a une vocation pédagogique. La musique comme la danse contemporaines sont-elles éloignées du grand public ?
Simon Rattle vise effectivement à démocratiser l’accès au Philharmonique de Berlin dont le public habituel est plutôt « sélect ».
Quant à la danse, a-t-elle besoin de toucher tous les publics ? L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas là. L’important  c’est de faire sortir les gens de chez eux pour qu’ils aillent voir des spectacles, pour qu’ils ne restent pas dans leur chambre devant internet. Concerts, musique contemporaine ou danse, peu importe : il faut se battre pour briser cet inquiétant rapport en solitaire avec la culture, permettre aux gens de se mélanger à d’autres univers. Voilà la responsabilité du créateur : rassembler des spectateurs pour qu’ils partagent une émotion.
De même, les arts doivent aussi dialoguer ensemble et ne pas s’enfermer dans des petites chapelles, l’opéra d’un côté, la danse de l’autre.

C’est ce que vous avez fait avec le chanteur Philippe Katerine ?
Exactement ! Grâce à lui, j’ai joué devant des téléspectateurs qui n’allaient jamais au spectacle. Ceux qui sont devant le téléviseur tous les soirs.
Mais il ne faut pas croire que le public de la danse est élitiste. Contrairement à une idée reçue, c’est un public populaire, jeune, curieux et finalement multiple.

Après une tournée au Brésil, vous êtes à Berlin ? Jouer à l’étranger compte aussi ?
Enormément. Cette année, nous passons aussi par le Portugal, la Hollande… Voyager, c’est s’enrichir.

Vous vous sentez quand même bien à Montpellier ?
J’adore cette ville qui m’a apporté un véritable épanouissement au fil des années, et dans de belles conditions de travail. Je n’imagine pas du tout m’installer ailleurs. J’aime bien partir mais aussi revenir !

Recueilli par Jean-Marie GAVALDA
midi libre
23/01/08