" Arrêtez, arrêtons, arrête ! " est la première création du Festival 97 et la première à être présentée dans le nouveau Centre chorégraphique national du couvent des Ursulines Depuis son arrivée à Montpellier, Mathilde Monnier a imaginé de nouvelles perspectives pour la danse. Présence de danseurs burkinabés dans " Pour Antigone ". Réflexion sur l'autisme dans " l'Atelier ". Pour sa nouvelle création, la participation de l'écrivain montpelliéraine Christine Angot engage le public dans une aventure émouvante et mentale. Mais pas pour rien. Midi libre : " Arrêtez, arrêtons, arrête ! " est la première pièce de la compagnie a être présentée au couvent des ursulines. Quel en est l'état d 'esprit ? Mathilde Monnier : " Nuit ", " l'Atelier en pièces " et " Arrêtez. " constituent un ensemble, dont " Arrêtez. " est la dernière pièce. Je ne peux pas aller plus loin, surtout en envisageant le travail avec le texte de Christine Angot que j'ai fait ici. Par rapport à " l'Atelier ", l'espace est maintenant complètement dénudé ; on a enlevé les murs blancs, on a gardé une simple structure métallique. Tout se situe entre un décor et un lieu. M-L : Quelle en était la finalité ? M.M. : Je voulais un espace vide où il y ait encore moins de frontière avec les spectateurs, pour que tout soit donné à voir. M-L : Le titre de la pièce est assez énigmatique. Comment faut-il l'interpréter ? M.M. : Dans sa formulation, " Arrêtez, arrêtons, arrête ! " indique qu'il y a quelque chose qui ne s'arrête pas, en fait. Cela crée donc un paradoxe. La pièce, par ailleurs, est entièrement construite sur deux motifs contraires, de construction et de déconstruction. Il faut toujours que quelque chose s'y arrête, puis tout reprend ailleurs. On peut aussi dire que c'est une pièce dont le climat balance entre quelque chose d'assez tendu et en même temps qui se lâche. C'est une énergie lancé et en même temps très retenue. M-L : Quelle définition de la danse cette pièce " propose-t-elle ? M.M. : Il n'y a pas une danse, mais plutôt des danses très personnelles, en fonction des danseurs. Toute l'idée est fondée sur la posture. Dés le départ, chacun adopte une posture de base qui le définit. Elle les emmène tout au long de la pièce, c'est leur posture intérieure par rapport à la verticalité idéale que dessine la structure métallique . C'est leur vision du monde. M-L : Le texte de Christine Angot dit par un acteur pendant la pièce, est un texte fleuve. C'est-à-dire qu'il aurait pu démarrer avant, on le prend à un moment de son déroulement et on le continue. Pourquoi ce choix ? M.M. : Parce qu'on ne peut pas être entre deux. Christine Angot avait écrit 40 pages, je n'en ai conservé que 25. C'est quand même une adaptation, et je n'aime pas mettre quelques bouts de texte par ci par là. Finalement, on a fabriqué un autre texte dans sa continuité, avec des interruptions qui sont suscitées par les interventions des danseurs eux-mêmes. Des sortes de respirations, ou même des refrains. M-L : Sa présence suppose-t-elle que le texte dit des choses que la danse ne pouvait pas dire ? M.M. : Le texte en dit plus, à côté, autrement. Sans que l'un soit l'illustration de l'autre, il fait voir aussi la danse différemment. Souvent l' images de la danse et les images que font jaillir les mots se télescopent, cela crée une troisième image faite de la fusion des deux. M-L : Plusieurs phrases-clés apparaissent aussi dans ce texte, sur l'Histoire et l'histoire de la danse, sur votre propre biographie. Etait-ce l'occasion de faire quelques mises au point ? M.M. : Je n'ai pas demandé ça, mais je savais que Christine mettrait tout ce qu'elle a, tout ce qu'elle verrait, qu'elle parlerait des danseurs, elle dirait leurs noms. Mais c'était ça qui me plaisait aussi. M-L : Comment s'est déterminé le choix des danseurs ? M.M. : J'aime bien toujours qu'il y est des gens nouveaux. C'est par exemple le cas pour Dimitri Chamblas qui voulait travailler avec moi. Quant aux danseurs africains ( Seydou et Salia), ils avait le désir après " Nuit " de revenir et de faire une pièce de plus. En fait, il faut bien voir que tout fonctionne avec moi par des rencontres. A ce niveau là, ce n'est pas toujours moi qui choisis, ils ont aussi leur mot à dire. M-L : Ce spectacle requiert aussi une participation plus active du spectateur. M.M. : C'est vrai que le spectateur peut s'impliquer, mais en même temps il peut se laisser aller, il n'est pas que dans l'émotion, il est aussi dans un rapport mental avec le spectacle. Ce qui change par rapport à " l'Atelier " où il était seulement dans l'émotion. M-L : Certaines phrases du textes sont assez provocatrices. Par exemple, on entend à plusieurs reprises " la danse contemporaine est morte ". Comment entendre cela ? M.M. : Ca, ce sont des choses que les gens disent, comme on dit : " la danse contemporaine est morte depuis la disparition de Dominique Bagouet ". Mais je ne m'accroche pas à des phrases comme celles-là, elles n'ont pas de sens immédiat. Elles font partie d'une sorte de réalité qui se dit beaucoup, mais c'est peut-être pour moi une façon de reposer la question : Est-ce que la danse contemporaine est morte ? Pour moi, je n'en serais pas où j'en suis si je pensais qu'elle l'est. Au fond, cette dernière pièce est très contemporaine pour moi. C'est perceptible dans ce rapport au texte qui n'a pas été abordé comme je le fais. Ce n'est pas non plus de la danse au sens où je l'entend communément. Mais je ne peux pas non plus vraiment la définir. Elle a un côté théâtrale, c'est vrai, mais ce n'est pas du théâtre parce qu'il n'y a pas de dialogues, par exemple. Je pense surtout que la danse à besoin de puiser ailleurs pour se renouveler, de retrouver du sens dans le rapport au monde et au mental.

Propos recueillis par Lise Ott
Midi Libre
21 Juin 1997