Avec Signé, signés, Mathilde Monnier a créé deux pièces sans point commun dans le propos, mais qui ont été conçues dans la même période. La première, Signé, est une commande du festival Tanz 2000 de Vienne, en hommage à Merce Cunningham. Drôle et légère, la pièce aborde la référence au maître avec la même distance que Mathilde Monnier a su instaurer entre sa formation strictement cunninghamienne - au CNDC avec Viola Farber puis au studio new-yorkais de Cunningham - et son travail chorégraphique élaboré dès ses premières pièces. Mathilde Monnier a voulu retenir " certaines sources du travail de Merce Cunningham, la fragmentation des corps et de l'espace, l'autonomie des mouvements et des intentions, l'invention et l'utilisation du dos dans la danse ". Elle a aussi voulu évoquer l'univers de l'artiste notamment par la présence sur scène d'un amoncellement de cages à oiseaux, belle source musicale, poétique et légère. Un très beau duo de Mathilde Monnier et de Dimitri Chamblas constitue l'élément central de la pièce, autour d'un jeu de contact et de torsions, déformant à l'envie les inventions corporelles cunninghamiennes. La seconde pièce, Signés, aborde quant à elle la passionnante question de la sexualité dans la danse. Devant une large bande de latex extensible qui réduit l'espace à l'avant-scène, cinq danseurs hommes parcourent les infinies possibilités du corps érotique. Chacun se plonge dans ses gestes personnels, parfois jusqu'à l'obsession, en laissant libre cours au caractère érotique des mouvements, habituellement refoulé. Le bassin ou les mains y retrouvent, en même temps qu'une grande mobilité, une dimension sexuelle laissée pour compte dans la danse contemporaine. Mathilde Monnier évoque sans pédanterie le rapport particulier que les danseurs entretiennent avec leur corps. Si le désir et la sexualité font bien partie de la danse, ils restent en effet toujours dans l'ordre symbolique, dans celui de la métaphore. Faisant ouvre anthropologique, Mathilde Monnier a su exprimer ce rapport ambigu de la danse à la sexualité, entre refoulement et banalisation. Projetée sur la bande de latex, une boule rouge et jaune laisse parfois apparaître un oil, celui du voyeur, le nôtre.

Laure DONEZAN
Les saisons de la danse
Mai 2001