Chez les petits, les fables de la terre entière ont la cote. Pourquoi ne pas revenir au maître ? A l'auteur grinçant du "Lièvre et de la Tortue" Proposer à dix chorégraphes de "mettre en mouvement" une fable de La Fontaine. Leur laisser carte blanche, à condition de respecter les règles : chaque pièce ne durera pas plus de 20 minutes, sera aisément transportable et pourra être vue par un public familial. Ce projet un peu fou et diablement séduisant a vu le jour au printemps. En tournée depuis deux mois, "les Fables à La Fontaine" font une escale francilienne. Le programme de "A sa guise" comprend "la C et la F de La F", "le Corbeau et le Renard", "le Lièvre et la Tortue" et "la Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bouf". Chacun a sa manière, les chorégraphes Diephuis, Davy, Garcia et Sanou ont habillé de modernité ces classiques. La plus savoureuse de ces mini-sagas animalières est l'irrévérencieuse "la C et la F de La F". Pendant que la cigale tout de blanc vêtue s'égosille en chanteur de charme, la fourmi noire ramasse inlassablement, en silence, l'une après l'autre les lettres noires éparpillées au sol, composant le texte de la fable. Précis et drôles, les danseurs évoluent en parallèle, s'ignorant jusqu'au moment où les gestes de la fourmi acculent la cigale au néant. Autres images fortes, celles de "Pole position" d'après "le Lièvre et la Tortue". Devant un arbitre en tenue Grand Siècle, deux coureurs s'affrontent dans une gestuelle particulière : au lièvre, la légèreté verticale, à la tortue, la pesanteur au sol. Au final, l'image arrêtée du vainqueur est la plus éloquente des morales. A l'automne, le spectacle s'enrichira de nouvelles créations : "le Lion et le Rat", de Dominique Boivin, un nouveau "Corbeau et le Renard" de Dominique Hervieu, et "le Chêne et le Roseau" de Käfig. A leur guise !


Isabelle CALABRE
Le Nouvel Observateur
9 Mai 2002