Publique, huit femmes version Mathilde


Les hasards malheureux de la programmation me font découvrir cette pièce (Publique) six ans après sa création. Mais, là, les hasards bienheureux du théâtre ont fait danser Mathilde Monnier près de chez moi juste le soir où il fallait. Regrets tout de même de ne pas avoir pu voir son travail depuis frère&sœur.

Magnifique Mathilde qui m’a fait retrouver et relier des émotions souvenirs, bien des années après… Pudique acide… 1984, Angers, création, Mathilde Monnier et Jean-François Duroure, sublime rencontre/combat masculin, féminin… 

Publique, sublime féminin tout court, orchestré par une femme de cinquante ans toujours aussi magnifique dans son corps dansé, qui "ose" inviter une cohorte de femmes d’âges divers à montrer ce que féminin sait faire et s’y coller en chef de chœur. PJ Harvey est au cœur de l’affaire et sa musique guide la danse dans la désinvolture singulière d’un intime exposé, en pudeur, pour partage. Comment font-elles pour être si "im-pudiques" sans se donner "publiques" que peut-être les hommes ne sauraient faire… ? Elles le font simplement, jubilant avec tant de force regards et sourires partagés, qu’elles en forcent le respect.

Elles sont là, elles bougent, elles se bougent, ensemble, seules, elles se dédoublent en doubles pour se re-trouver au singulier, et finalement ça va bien quand même, elles se retrouvent singulières pour se faire un pluriel. A coup de perruques et tenues changeantes, elles nous montrent qu’il est bon de rencontrer terrain complice et de se construire unique sans rivaliser avec l’autre. Le partage heureux qu’elles nous offrent nous invite à une route à suivre vers les plages d’un être ensemble.
Soixante cinq minutes de bonheur…, on bout de se lever et de partager leur plaisir, on résiste au désir de les embrasser, on se réjouit de voir tant de corsets jetés aux orties.
Mathilde Monnier a gardé son exigence du mouvement et, avec, tisse toujours son interrogation du seul, ensemble, avec, contre, pour quoi faire ?... Pour être… même juste un peu. Elle "dirige" ces "questions" dans cette pièce avec un regard tendre, acide et malin, elle montre avec brio que la danse est ouverture, complicité, plaisir et partage. De cette danse simple et complexe à la fois, qui exige beaucoup de ses interprètes, se tissent les fils d’un humain possible et malgré tout.
Je sais, ce soir encore, que Mathilde me touche, toujours autant, dans sa "bagarre" à parler le monde comme elle le voit, et à tenter de l’offrir en partage.
Publique passe près de chez vous : n’hésitez pas, courrez-vous jeter dans la ronde ; ces huit femmes vous donneront la pêche et vous montreront ce que féminin peut dire d’un être ensemble salutaire et joyeux.

Bernard Gaurier
www.festivalier.net - Janvier 2010