Un concert-danse de et avec Louis Sclavis et Mathilde Monnier.

Entre la musique et la danse, un point commun évident : la partition, autrement dit l'écriture d'une temporalité qui se déploie dans l'espace. Pour leurs retrouvailles, après Chinoiseries en 1991 et le film Bruit Blanc en 1998, le clarinettiste et compositeur Louis Sclavis et la chorégraphe Mathilde Monnier ont choisi d'expérimenter un nouveau procédé en installant des prompteurs qui font office de partitions visuelles, tant pour les musiciens que pour les danseurs, deux trios qui se mélangent sur le plateau, seul signe extérieur d'une expérience commune, mais invisible au public. Les musiques se succèdent au même rythme que les danses, fragmentaires et précises, à la vitesse d'une improvisation, ce que n'est pourtant pas cet impromptu conçu en quelques jours. Simplement, à la place de notes inscrites sur des portées, les musiciens suivent sur une vidéo les gestes de Louis Sclavis bougeant bras et mains en une danse qui constitue une partition physique, mais jouable ! Quant aux danseurs, Loïc Touzé, I-Fang Lin et Mathilde Monnier, ils décryptent leurs gestes en regardant des images sur un I-phone ou sur des prompteurs, principe déjà expérimenté récemment par la chorégraphe sur Surrogate Cities ou Tempo 76. Des supports d'images en guise de notation chorégraphique, constitués d'extraits de films (Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard, Une femme sous influence de John Cassavettes ou Charlie Chaplin), émissions de télé, discours politiques ou feuilletons : « Je prépare les images et les mets en boucle ou les coupe et j'opère un montage qui devient une partition visuelle, où la fiction induit un travail sur l'interprétation, indique Mathilde Monnier. C'est un outil d'écriture, comme des notes de musique, et je filme les gestes comme tels. Cette exploration permet des procédés intéressants et peut être considérée comme une véritable écriture offrant différentes possibilités. » Ce qui fait sens dans ce projet, c'est le partage d'une position commune entre danseurs et musiciens, chacun ayant devant lui une partition qu'il doit interpréter en direct : « Cette disposition crée une sorte de confusion entre eux à travers un jeu très fluide d'inversion. C'est un spectacle très partitionnel », insiste Mathilde Monnier. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux signes extérieurs d'improvisation quand un musicien de jazz croise une chorégraphe contemporaine, mais juste savourer leur goût commun pour l'expérimentation.

le dauphiné liberé
25/01/2010