Ville dansée à Montpellier

FESTIVAL DE DANSE - La chorégraphe Mathilde Monnier met en mouvement les citoyens d'une cité, sur une partition d'Heiner Goebbels. 

En faisant danser des jeunes enfants, des seniors et des pratiquants d'arts martiaux shaolin au coeur de City Maquette, sur une partition musicale signée Heiner Goebbels, la chorégraphe Mathilde Monnier va au-delà de l'expérimentation d'une forme de chorégraphie citoyenne réfléchissant sur la communauté et l'être ensemble. Elle fait de la ville une scène ouverte à des parcours et dessins multiples. A découvrir les 27 et 28 juin au Festival Montpellier Danse. Le dessin, l'empreinte, la trace sont au coeur de City Maquette. Ainsi, à l'ouverture, des enfants dessinent, sur le plateau, spirales et oscillations. Une écriture rhapsodique chantournée, pulsionnelle, débondée à la craie. «Davantage qu'un dessin, il s'agit d'une forme de création d'un espace saturé de signes que peut être la ville. D'où ce dessin urbain, qui n'est pas celui de la maîtrise. Mais qui propose une forme d'épuisement du tracé lui-même. Ce tracé permet également aux interprètes de se regrouper par générations dans un même geste», relève la chorégraphe. 


Une ville à leur échelle

A chaque groupe générationnel correspond un tracé. On tentera donc de saisir l'éphémère du mouvement et de la forme dans le moment où le pourtour du corps de danseuses adolescentes étendues donne, sur une feuille blanche, un dessin. Comme un palimpseste ou un plan d'architecture. Si les ados tentent ainsi d'inscrire au sol leur propre corps, c'est aussi l'écriture même de la danse qui est ici interrogée. Suivent des courses-processions de danseuses entre les colonnades formées par les feuilles de dessin dressées. 
Les enfants reviennent alors, déballant des objets utilitaires, boites de conserve, de biscuits. Et chacun de réaliser un solo en poses successives au milieu de ce qui semble être une maquette de bloc d'immeubles. On rejoint ici les terres du conte, celles de Gulliver, doublées de l'idée de réappropriation d'un espace urbain. «L'intention est que les enfants créent une ville à leur échelle. Le travail est parti d'une description physique et topographique faite par ces très jeunes interprètes du trajet les menant de leur domicile à l'école», relève Mathilde Monnier. 
Les aînés, eux, se répartissent en duos pour réaliser les pas d'un cha-cha-cha, d'une valse ou d'un tango sur les rythmes tissés de tensions, de distorsions, de résonances signés Heiner Goebbels. 


La solitude a le dessous

La musique est issue de l'opéra Surrogate Cities créé en 1994 à Francfort par Heiner Goebbels. Le compositeur allemand a acquis une aura sans équivalent pour rassembler dans un même creuset sonore orchestre et sampler. Sur le thème des villes, génériques ou non, l'artiste traverse nombre de gestes artistiques: peinture, architecture, son. Et rassemble des textes d'auteurs: Franz Kafka, Italo Calvino, Paul Auster et Hugo Hamilton. Selon Heiner Goebbels, «cet opéra est une tentative de raconter quelque chose à propos des villes, de s'exposer à elles, de les surveiller. Dans les rapports de pouvoir au sein de la ville, le solitaire a toujours le dessous.» 
En s'appuyant sur ces propos, la chorégraphe fait coexister, dans la mise en scène, différentes représentations de la cité. L'une sollicite l'imaginaire enfantin. L'autre est innervée par les configurations de plusieurs groupes de personnes (sportifs, groupes de jeux, etc.). Ce brouillage des signes et des repères se retrouve au coeur même de la danse. «Le livret de Goebbels dévoile une ville imaginaire, regroupant toutes les cités existantes, une vision abstraite, non inscrite dans une temporalité précise: un aspect sur lequel je me suis longuement penchée pour la chorégraphie», souligne Mathilde Monnier. I 
Note : Festival Montpellier Danse, 27 et 28 juin, rés. tél:0033 800 600 740, www.montpellierdanse.com