Lorsque l'on a appris que le Centre chorégraphique de Montpellier s'engageait dans un projet artistique avec des jeunes de la cité montpelliéraine des Cévennes, tout le monde a pensé à la danse hip-hop. Grande a été donc la surprise, en découvrant E pour Eux, un film tout juste terminé par le réalisateur Karim Zeriahen, avec une équipe constituée autour de la chorégraphe Mathilde Monnier. Ce film, réalisé notamment avec le soutien de Midi Libre, sera diffusé sur France 3 Sud le 6 novembre, à 15 h30. Neuf garçons, tous d'origine maghrébine, ont mené à bien ce projet, au cours d'une année et demi de préparatifs et de tournage. L'ambition étant qu'ils conduisent une réflexion sur leur rapport avec l'art. C'est à dire rien, au départ, pour la plupart. Le film obtenu tendant lui-même au statut de " docu-fiction d'art ". Documentaire, car il restitue volontiers les situations vécues dans le groupe. Fiction, car ces situations sont créées en tableaux, par un jeu d'égrenage des lettres de l'alphabet propice à mille fantaisies. Film d'art enfin, par la qualité dansante de la caméra de Karim Zeriahen : attentive à la palpitation des êtres en mouvements dans un espace pensé. E pour Eux voit ces jeunes élaborer une vérité sur eux-mêmes, à cent lieues des clichés habituels des cités (béton, violence, hip-hop). Un film qui prend le temps de l'écoute et des lenteurs, mais sans rien perdre de l'étourdissante fraîcheur de ses acteurs. Sont ainsi captés des instants de forte émotion, par exemple quand ces gaillards expriment ce que représente pour eux leur mère. Ou d'intense réflexion, à l'évocation de la prison. De belle création aussi, par la danse, qui a sa place. E pour Eux fraye le chemin de l'identité, complexe et excitant, quand c'est l'art qui s'en mêle et sort de ses ghettos.
Midi Libre
Mercredi 13 Octobre 1999