Génératrice d'images et de sensations nouvelles, hors des mots et des clichés, capable avec la même facilité de nous pétrifier dans une stimulante incompréhension ou de provoquer un rire délicat et inédit, donnant corps aux notes et diffusant l'harmonieuse mélodie des corps parfaits, l'hypnotisant " Ainsi de suite " de Mathilde Monnier et Viola Farber se fit mercredi l'ambassadeur de charme de la danse contemporaine. Une lumière éblouissante On eu d'abord l'impression que, dans l'ombre, face à la grande scène transformée en toile géante, un peintre devenu subitement fou jetait à la volée des taches de couleur mobile. Du fond de la contrebasse d'Henri Textier, sous les pas de Mathilde et les doigts de Viola, dans le cuivre crissant de Louis Sclavis, la lumière éblouissait en tous sens, les souvenirs, les sensations, les émotions affluant en désordre tels les mots revenus dans la bouche d'un muet. A cette joie débridée, déroutante, des retrouvailles, succédait alors une splendide symphonie de la matière, alliage de perfection, d'équilibre et d'invention constante. En témoignent les sonorités rauques, épaisses du saxophone et de la clarinette basse de Sclavis, la rigueur rythmique de Textier, brassant avec jubilation le bois et le fer, auxquels répondaient la précision des pas, la fulgurante légèreté des formes chorégraphiques. Magnétique Viola Et ainsi de suite pourrait-on se contenter de dire. Ce serait oublier la merveilleuse drôlerie mécanique d'un brillant jeu de chaises, la poétique humoristique du trio de femmes aux cheveux longs, ce serait surtout négliger de souligner le magnétisme incomparable de l'Américaine Viola Farber, une présence magique qui imprégnera longtemps les planches du Quartz. Elle et Mathilde Monnier ont su donner sa juste dimension artistique à la connivence, au feeling, à l'alchimie d'amitié et de travail qui réunissent parfois les créateurs.
Jean-Luc GERMAIN
Le Télégramme
Vendredi 2 Octobre 1992