Bruit blanc

Mathilde Monnier, directrice du centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon, anime un atelier à l’hôpital psychiatrique de cette même ville. C’est là qu’elle a rencontré Marie-France, qui souffre d’autisme infantile précoce. La jeune femme l’intrigue avec sa présence physique surprenante, ses postures d’oiseau, ses positions que même un danseur ne peut imiter. Petit à petit, au fil de séances régulières, elles inventent ensemble des gestes qui vont composer une danse au tracé précis. Dès les premières images, les deux femmes se suivent, glissent le long d’un mur et, au sol, entament ce qui ressemble au balbutiement d’un dialogue. Ce sont d’abord des regards, des mains sur le visage ; puis des mouvements en bascule, des enlacements, des portés et des chutes ; et pour finir des courses autour du décor qui évoque les arbres que l’on voit des fenêtres de l’hôpital.
La réalisatrice Valérie Urréa a souvent collaboré aux créations de Mathilde Monnier. Elle filme ici en témoin attentif ce curieux dialogue qui, loin des mots, naît du mouvement et du contact des corps.
Dans un second temps, le film dévoile les étapes de cette démarche. Conçu comme des notes d’atelier, il procède par petites touches pour aborder le travail à l’hôpital ou dans le studio de danse, les questions qu’il soulève, les phrases de lassitude, les moments de joie.

Un pas dehors
Le cheminement accompli par la chorégraphe en compagnie des personnes souffrant d’autisme a pu être réalisé dans le cadre d’un atelier sur le mouvement, créé à l’hôpital psychiatrique de la Colombière de Montpellier en étroite collaboration avec l’association Les murs d’Aurelle. La pratique de Mathilde Monnier n’a pas de visée thérapeutique : elle constitue un mode d’approche qui permet de guider les autistes vers une autre mobilité, de les sensibiliser à d’autres mouvements. Ce langage qui s’invente sous nos yeux lors de séquences filmées dans les ateliers, ou retravaillées dans la danse, prolonge la réflexion de la chorégraphe sur le sens du mouvement. En revenant de façon ludique à ces gestes archaïques, Mathilde Monnier déplace les repères, le proche et le lointain, l’extérieur et l’intérieur, et invite à sortir des conventions. Ecoute de l’inconnu, accueil de l’étranger : tout comme dans ses propres créations, le travail sur l’enfermement et le hors norme est une façon pour la chorégraphe de réinterroger le regard.


télérama
du 10 au 16 avril 1999