On a vu la maquette d’une nouvelle pyramide humaine

Émotion pour le « Hors séries » de Mathilde Monnier

Quiconque assistait, samedi et hier, salle Bagouet, à City maquette, deuxième proposition des « Hors séries » du centre chorégraphique , se sera bien gardé de considérer l’œuvre pour autre chose que ce qu’elle est : non pas la représentation de l’opéra Surrogate cities d’Heiner Goebbels, dont Mathilde Monnier signera la mise en scène début février 2008, à Berlin ; ni même la mise au point, seulement, d’une sorte de « modèle réduit » de ce qu’il sera ; mais la configuration réussie d’un groupe d’amateurs – jeunes, vieux et moins jeunes – pour donner leurs versions personnelles de ce qu’est une ville aujourd’hui.
Du peu que l’on ait pu percevoir de l’opéra de Goebbels, le sentiment dominant parie sur un lyrisme teinté de mélancolie et de tendresse. La partition s’imprègne ainsi des élans chaleureux des cuivres, tout en laissant place à des voix de soprano haut perchées qui introduisent une dimension plus humaine. Le récitatif du début donne le ton nostalgique qui règle la magie de toute utopie.
C’est sur de telles inflexions que se règle avant tout l’intervention des enfants de l’école Robert-Fournier, de Saint-Jean-de-Cornies. Concentrés et vivants, deux postures difficiles à obtenir avec autant de spontanéité quand on devient plus adulte, ils entraînent avec eux les autres générations. Et ce, sans jamais se formaliser des à-peu-près ou des erreurs qui se glissent ici et là dans leurs parcours, pour dessiner au sol ou indiquer, boîtes en carton aidant, le caractère rigide et normatif de l’urbanisme moderne. Car, avec eux, le fonds est sauf pour signifier ce qu’est une présence sans arrière-pensée et sans crainte du ridicule.
Le chœur des jeunes filles de Montpellier Université, section gymnastique, n’est ensuite pas moins émouvant. La gracilité, la concentration et la souplesse guident les évolutions, non sans insuffler cette dimension bourrée de ces illusions qui font le charme des villes. Tout ce qui donnerait à penser à un académisme trop bien exécuté a été habilement gommé. Cela dessine un tremplin rêvé pour les adultes du club Jeanne Galzy – Âge d’or : exécuter les pas d’un cha-cha-cha, d’une valse ou d’un tango sur les rythmes enflammés, mais complexes, de la partition de Goebbels, exigent une belle audace et une générosité de même. Mais, face aux enfants et aux adolescentes, ils tiennent la place des sages, sachant bien qu’aujourd’hui, ce rôle est en perdition.
On saura gré à Mathilde Monnier, et à ceux qui l’ont accompagnée dans cette fresque des âges réunis, d’avoir effleuré sans vanité cette question, qui est universelle.

Lise OTT
midi libre
19/11/07