danse : "Bruit blanc", document ce soir à 21h40 sur Arte Un voile délicatement levé sur l'atelier chorégraphique à La Colombière "Comme beaucoup d'autistes, Marie-France semble n'avoir gardé aucune trace de son passé. Son quotidien est l'occasion pour elle d'une répétition, qu'elle cherche à préserver d'une façon vitale. Tout changement semble une agression, une difficulté qu'elle doit surmonter." Mathilde Monnier, directrice du Centre chorégraphique de Montpellier, a fait la rencontre de Marie-France dans le cadre de l'atelier qu'elle anime à l'hôpital de La Colombière, sous l'égide de l'association des "Murs d'Aurelle". Ce soir sur Arte à 21h40, sous le titre "Bruit blanc", on verra un duo créé et dansé par Mathilde Monnier avec Marie-France, qui est atteinte d'autisme infantile précoce. Et on verra celle qu'agresse tout changement, manifester sa joie de participer au mouvement - corporel - de la rencontre. Précision essentielle : il ne s'agira pas d'images d'un atelier où la danse serait une méthode de soins. Il s'agira d'un duo, d'une création artistique, de ces deux femmes. "Marie-France a développé seule, des capacités physiques étonnantes, extra-ordinaires, lui permettant d'adopter des positions que même un danseur ne peut refaire. Elle a une façon de se mouvoir qui est un mélange de force et de grâce, prenant parfois des postures d'oiseaux..." D'une durée d'une douzaine de minutes, ce duo est restitué intégralement à l'écran, en ouverture du film, tourné par Valérie Urréa. Proche de Mathilde Monnier, cette vidéaste en a déjà relaté le travail par l'image. Au sein de l'atelier de La Colombière, elle tourna d'abord simplement les images qui sont précieuses pour l'équipe thérapeutique, quand il s'agit de déceler les réactions physiques, toujours énigmatiques mais essentielles, des patients. La proposition artistique de Mathilde Monnier était d'une tout autre nature : "Il s'agissait d'une chorégraphie écrite ensemble. Un langage muet s'est élaboré, un ensemble de mouvement qui avait du sens aussi bien pour Mathilde Monnier que pour Marie-France. Il y avait la danseuse qui sait ; et celle qui ne sait pas. Mais pour que la relation se passe, que la création se fasse, la danseuse qui sait devait oublier des gestes bien appris, en découvrir d'autres. Et Marie-France de son côté découvrait des mouvements et des rythmes nouveaux, au travers de ses cinq sens. Apprendre à désapprendre. Apprendre à apprendre...". Pour capter ce processus si subtil, la réalisatrice, qui a filmé pendant trois mois, a cherché à ce que sa présence devienne inconsciente. "Bruit blanc" est un titre qui évoque ce langage dans le silence, cette quête de l'indicible. Après les images du duo, les quarante autres minutes relatent l'environnement de la pièce, les processus de sa création, la position des partenaires impliqués (soignants, proches). Mais là encore, "il ne s'agit pas d'un reportage d'actualité. Le sujet est trop fragile. Plus que jamais se posait pour moi la question éthique du poids des mots et du choc des images. Même les interviews ne devaient pas dissiper l'intention poétique qui est au cour du propos."

Gérard MAYEN
Midi Libre
14 Avril 1999