onnier-Katerine ferment le bal de Montpellier-danse 06 en faisant chanter le public

Bien malin celui qui pourra prévoir la tendance des futures créations de Mathilde Monnier ! La directrice du Centre chorégraphique de Montpellier n’est jamais là où on l’attend. L’an dernier, elle a flirté tout à la fois avec l’émeute du public et le concert d’éloges. L’émeute, c’était son « Frères et soeurs » du Festival d’Avignon 05, que le public jugeait comme de la « non-danse » et à ce titre indigne de la Cour d’Honneur. Pourtant la pièce était à la hauteur du projet : le manque de fraternité entre nos contemporains. Le concert d’éloges était pour « La place du singe », une introspection familiale, menée en commun avec la romancière Christine Angot, parlant entre autres du rôle d’une créatrice issue de la grande bourgeoisie dans la société française d’aujourd’hui.
Bref, Mathilde Monnier, millésime 05 était au coeur de la question de la responsabilité de l’artiste dans la France d’aujourd’hui.
La réponse 06, c’est « 2008 vallée », une pièce pour 5 danseurs et un chanteur, quelque part entre l’exercice de style, la pochade et la comédie musicale. Autrement dit : c’est une comédie musicale ! La réponse à la crise sociale et existentielle serait donc : « prenons la vie du bon coté ! » ?
Sur scène, le chanteur Katerine, qui commence à acquérir un statut de vedette, est différent des autres. Par son physique une peu rebondi et par ses cheveux qui ressemblent à un match de la Côte d’Ivoire, c’est à dire n’importe quoi en défense et du panache en attaque. Les danseurs prennent des poses dignes des choristes de la grande époque du Rythm and Blues. On n’est pas loin du film des Blues Brothers. De toute manière, l’auto-ironie est le coeur de la musique et des paroles de Katerine, qu’on pourrait situer comme le continuateur tout à la fois de Gainsbourg, Dutronc et Nino Ferrer. Cela tombe bien avec l’âge de Mathilde Monnier, pas loin d’avoir connu les « yé-yé ».
Le message de la construction chorégraphique est subtilement politique. Tout le monde prend le micro et même en cas de conflit ceinture et jette à terre le chanteur pour pouvoir continuer à chanter. Le pouvoir au peuple ? Sans doute, mais sans négliger l’égalité des sexes.
Le public adore. D’ailleurs il connaît les chansons par coeur, faisant flirter la soirée avec un simple concert. Pas question pour les auteurs ! La scénographie révèle des surprises autres que le simple changement de costumes et d’éclairage. La relecture sans fin des chansons modifie aussi complètement les habitudes de temps.
Ce qui était évident, ces soirs de 2006, dans la Cour des Ursulines, c’était l’identité profonde de « 2008 vallée «  avec « Publique », la création de Mathilde en 2004, donnée dans cette même Cour, voila deux Festivals. Mathilde Monnier y faisait danser mécaniquement plusieurs jeunes filles au son des chansons de P.J. Harvey. L’ambiance était lourde et il n’y avait pas que l’esprit de la fête qui y était convoqué. On y voyait aussi un certain abrutissement, voire l’effet des drogues.
« 2008 vallée », c’est « Publique » repeint en rose. Est-ce parce que Mathilde se pose différemment le problème de la musique ? Cette musique qui est au coeur des questions actuelles de la anse française. Où la mettre ? Musicien live ou bande-son ? Danser pour la musique ou rajouter la musique après l’écriture ? Là, la réponse est la fusion. Le chanteur devient danseur, les danseurs deviennent chanteurs. Et tout se met à vivre, comme un gros coeur battant. Et le public est ravi et sort soulagé. D’ailleurs, la pièce qui dure pas loin d’une heure, file comme si elle durait trois fois moins, tellement on s’amuse.
Comme quoi, du point de vue du public, la danse ressemble beaucoup au sport. On préfère un match où « on » a semblé gagner à un match où « on » n’a pas joué. Usage immodéré de « 2008 vallée » conseillé.       

Jean-Marc DOUILLARD
L'Hérault du jour
8 Juillet 2006