Le pugilat de Monnier vibre par à-coups

De beaux passages de danse pour un propos banal.
Par Marie-Christine VERNAY

Frère & Soeur, chorégraphie de Mathilde Monnier, musique de eRikm, jusqu'au 2 à 22 heures, cour d'honneur du palais des Papes, 04 90 14 14 60.

L'an dernier, Mathilde Monnier créait Publique au festival Montpellier Danse. Sur la musique de la rockeuse PJ Harvey, les danseuses déboulaient en scène, véritables furies. Echangeant leurs vêtements comme au bon vieux temps, retrouvant une énergie rock et féministe, sans craindre une certaine hystérie dans leur danse individuelle de boîte de nuit, elles faisaient du plateau un défouloir. Cette année, pour sa deuxième création, après l'inénarrable Place du singe (1) avec Christine Angot, la directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier propose un autre revival. Dans la lignée de Publique, Frère & Soeur n'emporte pas la même adhésion.

Trompettes. Cette nouvelle pièce, créée dans la cour d'honneur, n'a pas la même franchise, ni radicalité. Ici, on compose. Rien à dire sur la musique de eRikm, qui intègre malicieusement les trompettes du Festival, soutien autant qu'injonction pour les quinze interprètes. Rien à dire non plus sur la scénographie d'Annie Tolleter. Trois plateaux sont posés au sol, une boîte noire où l'on se glisse par des fentes, et qui sert de coulisse pour les changements de costume.

Cour d'honneur ou pas, le dispositif est en place, aire de jeu pour les danseurs. La scénographe a toutefois pris le soin de dresser trois piliers où s'accrochent des projecteurs, qui évitent que la hauteur des murs n'écrase trop la danse. Quant à la lumière d'Eric Wurtz, très urbaine, presque conçue pour un match de football, elle est aussi parfaitement réglée. La danse, en revanche, a quelques faiblesses.

Tout commence par une vaste chamaillerie, une bagarre de chiffonniers. Danseurs et danseuses s'empoignent par où ils peuvent, se filent des coups de pied au cul, se font des crocs-en-jambe. L'amour fraternel ou sororal vire au pugilat et s'en nourrit. Mais on reste dans l'entre-deux. Les coups ne sont ni simulés, ni véritablement portés.

En fond de scène, il y a toujours celle qui ne s'en mêle pas. Un duo sauve la mêlée de la catastrophe. Des trios aussi, notamment sur le plateau central, calment le jeu. Les portés à trois sont lents, somptueux. Les solos, notamment celui titubant d'un homme en chemise blanche et en perruque, déplace élégamment le propos batailleur.

Baise, argent, bouffe. On fait semblant de ne pas entendre les textes qui passent d'un micro à l'autre. Ils sont extraits des Grandes Espérances de Kathy Acker. Mais sortis de leur contexte féministe, ils ne semblent là que pour asséner des banalités sur le rapport femme/homme. On s'en fout littéralement Ñ il y est beaucoup question de baise, d'argent et de bouffe.

Hormis quelques superbes passages de danse sur des corps renversés au bord de la scène, le reste paraît plutôt adolescent  jusqu'aux guitares électriques muettes, qui réactivent une esthétique pop-rock désuète. Mieux vaut retourner à la Place du singe.


(1) Spectacle créé le 30 juin à Montpellier, présenté du 23 au 27 juillet à 19 heures à Avignon, au cloître des Célestins.


Marie-Christine VERNAY
Libération
22 Juillet 2005