Mathilde Monnier propose une bizarrerie chorégraphique

Tempo 76, chorégraphié par Mathilde Monnier, démarre sous les auspices d'un nocturne champêtre pour neuf danseurs habillés à l'identique et accomplissant les mêmes gestes en même temps. La douceur de ce ballet exécuté sur un plateau couvert d'une pelouse bien verte suscite un vertige proche de celui d'une visite dans le palais des glaces d'une fête foraine. Jusqu'à ce que les taupes s'en mêlent !

L'unisson est au coeur de Tempo 76 (76 pulsions par minute comptées au métronome), présenté mardi 9 octobre au Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d'automne, à Paris. Ce thème chorégraphique très classique, Mathilde Monnier le prend avec des pincettes. Très peu de mouvements de masse, aucun baroud d'ensemble, mais un unisson déconcentré en quelque sorte qui privilégie l'écart des interprètes sur des musiques de György Ligeti.

Jusqu'à ce que le corps de ballet change soudain de scénario sous la houlette d'un chef relégué en coulisses ! Troquant le jean, la chemise blanche et la cravate contre un kilt rouge et un sweat à capuche, il endosse un répertoire de gestes très clichés, issus du cinéma, du sport, entrecoupé de crises de larmes et de rire comme sorties d'une pochette-surprise. Il se passe apparemment quelque chose de passionnant sur scène que l'on a du mal à saisir. On reste le nez sur la vitrine. Dommage de perdre une bonne occasion de s'amuser, surtout quand les danseurs ont l'air de se divertir, héros d'une fiction secrète qui le demeurera pour toujours.

VERNIS FACTICE

Entre souci de rigueur et désir d'envoyer paître les convenances, Mathilde Monnier reste à l'étroit dans un corpus chorégraphique un peu maigre. Elle n'échappe pas non plus à certains motifs à la mode sur les scènes contemporaines, comme le rire hystérique, présent chez Maria Ribot ou Maguy Marin, sans oublier les grimaces... Ce jeu visuel avec les signes des émotions - et non les émotions elles-mêmes - épaissit ce vernis factice qui maintient la pièce sous vide, coupée d'un sens profond.

La fin du spectacle tente une bordée délirante qui rappelle deux chorégraphies dont les décors entretiennent des correspondances avec Tempo 76. Il s'agit du Sacre du printemps (1975) mis en scène par Pina Bausch sur un plateau couvert de terre (l'odeur est d'ailleurs presque la même) et l'interprétation de la même pièce par Angelin Preljocaj (2001) sur des mottes de gazon. Mathilde Monnier aurait-elle rêvé d'un Sacre ?

Le Monde
Rosita Boisseau
11.10.07