Décoiffe-moi délicieusement

A priori improbable, la rencontre de Katerine et de Mathilde Monnier fait des étincelles. A découvrir d'urgence à Genève !

Apparu aux yeux du grand public en 2005 avec son tube Je vous emmerde, Katerine est depuis quelques années le souffle d’air frais qui balaye la chanson française. Son monde absurde où nos travers sont passés à la loupe est aussi décalé que corrosif, poët-poëtique que
politically incorrect et, au bout du compte, franchement jouissif. Qu’il fasse chanter les autres (Anna Karina, Helena) ou passe derrière la caméra (Peau de cochon), il est toujours là où l’on ne l’attend pas pour nous décoiffer.

Lors de l’écriture de son dernier album Robots après tout, Katerine découvre l’univers de Mathilde Monnier, danseuse, chorégraphe, et directrice du Centre chorégraphique de Montpellier – un cas à part et une part de choix dans le monde de la danse. Depuis 1986, sa production sur-prolifique est parsemée de pièces maîtresses, notamment sa collaboration avec la grande PJ Harvey (Publique en 2004) ou sa pièce en duo avec Christine Angot (la deuxième) La place du Singe, vue à la Comédie de Genève fin 2005.

Chez Katerine germe alors le désir de chansons que Mathilde Monnier chorégraphierait, pour aboutir à un spectacle qui serait une véritable extension de Robots. Et de fait, de Louxor, j’adore à 78-2008, les chansons qui éclosent dans le cerveau cabossé du trublion deviennent bientôt les pierres angulaires d’un spectacle iconoclaste intitulé 2008 vallée. Mathilde Monnier, elle, déclare adorer "être capturée, se laisser bouffer, disparaître dans l’univers de l’autre." En se plongeant dans celui de Katerine, le mastiquant, le digérant, elle a accouché d’une lubie chorégraphiée, véritable comédie musicale déstructurée et sarcastique de ce monde. La machine démarre sobrement. En cols roulés rose, chahuté, décoiffé, un chanteur qui apprend à danser, des danseurs qui apprennent à chanter, se bousculent avant que tout ne bascule. Engloutis par une lame de fond, les protagonistes sont projetés en 2008 sur une île nue, havre de paix ou tout est à recréer, à repeupler. "En 2008 les gens se croisaient au volant de coléoptères supersoniques mais silencieux... les couleurs étaient incroyables, d’ailleurs elles étaient innommables, on en parlait comme des dieux, en 2008 se regarder au fond des yeux c’était comme faire l’amour à deux..." Crème dans leur domaine, ces deux-là viennent fouetter celle du bon goût dans un grand bol d’autodérision. Tout y est maltraité, sublimement. Féérique et hilarant, un spectacle à ne pas manquer !


Rolan
360° (magazine suisse) - février 2007